Moi je leur dis…!
Nedjma publie ici un texte échangé sur Twitter et posant des questions importantes au moment où le pouvoir aux abois tente une purge en son sein entre les différents clans qui le composent. Ces arrestations, notamment celle d’Issad Rebrab, sont vues par certains comme une diversion destinée à jouer la carte ethnique. D’autres soulèvent des objections morales.
S’il est vrai que ces arrestations sont belle et bien une diversion (car tant qu’il n’y a pas d’état de droit, d’indépendance réelle des magistrats, de police n’obéissant qu’à la recherche de l’intérêt commun et non aux appétits sélectifs du pouvoir), et s’il est vrai que le manque de transparence qui les caractérisent jettent un sérieux doute sur la volonté du pouvoir d’aller dans le sens de la justice, il n’en demeure pas moins vrai que la nouvelle république devra ouvrir de nombreux dossiers pour rétablir la confiance au sein de la société.
Voici donc un coup de colère comme on en trouve parfois sur Twitter. La transition démocratique impose de nous poser ces questions, à savoir qu’il n’y aura pas de réelle transition sans désigner les réels responsables de la corruption de ceux qui aujourd’hui sont livrés à la vindicte populaire pour éviter que le peuple ne regarde plus loin.
Il s’agit d’une publication spontanée sur le média social, il est ici publié dans une version éditée mais non modifiée et agrémentée de liens destinés à fournir aux plus jeunes des éléments de référence à certains évènements cités ayant bien souvent été gommés de l’histoire par le pouvoir. Les quelques modifications apportées sont fournies en Note du Rédacteur (NdR) comme il est d’usage.
La publication de ce texte sur Nedjma obéit, enfin, de conserver autant que faire se peut, des débats et moments de ce soulèvements qui sans cela seront perdus dans les archives du net, autant dire, oubliées.
Pour rappel, vous pouvez vous aussi écrire, dans la langue de votre choix, pour être publiés sur ce site. Il est le nôtre à nous tous.
La foule semble partagée entre satisfecit et indignation face à l’arrestation de certains visages du système et autres oligarques. Voilà qu’une mouche m’a piqué pour méditer sur la « justice » réclamée par la foule.
L’Etat algérien a été fondé suite à un coup d’état du clan d’Oujda (on parle généralement de l’armée des frontières, NdR) contre le GPRA. La fondation même de l’Etat algérien repose sur une « injustice », ponctuée par la suite par des assassinats politiques. On parle même de la présumée implication de Bouteflika dans la mort de Mohamed Khider. D’autres (chefs, NdR) historiques ont été ou liquidés ou emprisonnés par ce même système.
Cet épisode de l’indépendance marque une névrose originelle inscrite dans l’inconscient collectif: le mythe fondateur est lui-même entaché d’une injustice, refoulée de surcroît. Déterrer cette injustice et mettre la lumière dessus fait-il partie de la justice réclamée par la foule ou non?
La militarisation du régime est la mère des injustices et elle nous replonge dans l’ère Boumédiène. A-t-on le droit de le dire ou c’est « injuste »?
Bouteflika a quitté le régime momentanément (en 1982, NdR) avec un lourd dossier de la cour des comptes mettant en jeu des deniers publics considérables. Le présumé coupable est toujours vivant. Est-il « juste » de ne pas raviver le dossier ?
C’est pourtant ce même système qui l’avait accusé des faits.
Quand on veut faire chuter Rebrab, c’est la tête de Toufik que l’on vise. Super! Mais aura-t-on l’audace de tirer la pelote de la décennie noire? Toufik c’est Reb d’zair de la décennie noire, non?
Il y a eu un coup d’état, 200 000 âmes ôtées, des milliers de disparus et de drames humains entre viols et vies brisées. Est-il juste ou « éthique » de ne pas ressortir ce dossier?
Il y a cette putain de loi de « concorde civile », nous disent-ils. Oui, mais décrétée par ce même système. Du coup, la « justice », c’est uniquement en rapport avec le fric et les deniers publics ou bien on peut aussi évoquer les drames humain? Est-ce « éthique » de ne pas le faire?
Il n’y a pas eu de justice concernant le printemps noir non plus. Qui était le président à l’époque ? Qui était le chef du gouvernement à l’époque? N’est-ce pas ce même Benflis qui se targue aujourd’hui d’incarner l’opposition? Est-il « éthique » qu’il continue à faire de la politique ? N’est-il pas plus « juste » qu’il finisse en taule?
Et tous ces cadres du secteur public jetés en taule par Ouyahia pendant la décennie noire et après, on en parle ?
Donc المفيد: qui va juger qui et au nom de quelle « éthique »? Les milliards valent-ils plus que les vies humaines ? Est-il éthique ou juste (là, ça se confond) de ne pas évoquer la décennie noire pour guérir les plaies? Ou sinon y a-t-il un marqueur temporel au-delà duquel il ne faut pas creuser? Jusqu’à quelle profondeur on peut creuser et au-delà duquel on se dit خلي البير بغطاه, une espèce d’avant/après comme dans les pubs de régime…?
Toufik prétendra avoir sauvé la république, Benflis évoquera la raison d’état, Bouteflika se cachera derrière sa mégalomanie, Gaid plaidera la légalité des actifs de son fils et se cachera derrière ses fonctions.
Moi je leur dis : Zebi , Zebi et puis Zebi encore!
Alors la foule, vous voulez la justice? Laquelle?
Je termine ma masturbation des méninges par un Hadith de Nietzsche رضي الله عنه:
Il n’existe pas de faits, seulement des interprétations.