LE COURAGE DE GAGNER

Le texte qui suit a été écrit entre juin et juillet 2019. Je ne l’ai pas publié car je voulais voir où irait ces « initiatives de la société civiles ». L’élection ayant remis en selle les vieilles badernes usées du régime Bouteflika passées à la machine à laver des « initiatives de la société civiles », je le mets donc en ligne avec une réelle colère car ces « initiatives de dialogue » ont fait perdre un temps précieux au mouvement qui traverse le pays.
Il est un projet politique global ainsi qu’une analyse de la situation comme elle se présentait au début de l’été. J’avais demandé des relectures qui hélas ne sont jamais venues.
Il est temps de passer à une nouvelle étape et cette étape n’est pas de déléguer quoi que ce soit à de vieilles badernes usées sur le retour. Voici le temps de la jeunesse, des discussions politiques et de la revanche de notre société sur sa propre histoire. Le moment où enfin nous pourrons envoyer aux oubliettes ce régime usé jusqu’au trognon ainsi que les « opposants » sans envergure ni ambition pour ce pays, usés par la vie, par le régimes ou par trop de compromissions à moins que ce ne soit un panaché des trois, qu’importe.
Voici venu le temps de nous, et au milieu de nous, le temps de cette fantastique jeunesse qui brave ce pouvoir depuis des mois au péril de sa liberté. Elle est notre héros, elle est notre beauté et c’est pour elle, et c’est par elle que tout désormais doit passer.
Ce site vous est ouvert pour toute publication, comme je l’ai toujours proposé Vous pouvez y échanger textes, photographies, informations, appels. Ecrivez à cette adresse

Il faut un temps pour tout, et le mouvement populaire démocratique qui traverse le pays depuis le 22 février 2019 obéit à cette règle. Il y aura des hauts, il y aura des bas, mais ce mouvement triomphera. Tel a été le moto de Nedjma depuis l’été 2018 quand, après « l’affaire de la cocaïne », j’ai décidé de faire revivre ce site et de le tenir prêt tant me semblait évident que le système jusqu’ici soudé par le partage de la rente commençait à montrer des fissures consécutives à la chute du prix du pétrole.

Son incapacité à se décider pour un autre candidat qu’un homme rendu grabataire et incapable d’assumer ses fonctions officielles révélait jusqu’à l’absurde la situation dans laquelle se débattait ce groupe de prédateurs et de décideurs qui de pères en fils et de copains en coquins se partageaient le pouvoir jalousement, ouvertement ou dans l’ombre, depuis le coup d’état de l’été 1962.

Une année de transition, déjà

Après l’affaire du port de Wahran et ses 701 kilos de cocaïne, il y a eu ces arrestations de barons de l’économie bananière des années Bouteflika dont un seul surnom résume à lui seul l’abîme dans laquelle nous a plongé cette caste vulgaire et corrompue. « Le boucher ».

Mi-promoteur, mi-importateur, quel surnom pour un homme qui avait ses entrées dans les allées du pouvoir…

Il y a eu des arrestations de 5 généraux, et puis leur libération, preuve ultime d’un déchirement dans les hautes sphères du pouvoir réel. Une guerre sans merci était désormais ouverte.

Il y a eu le choléra. Là, le peuple a eu la révélation que, malgré ses 1000 milliards de dollars de recettes du pétrole, l’Algérie se débattait encore dans les maladies d’un autre âge, le système d’évacuation des eaux usées n’ayant pas été modernisé et surtout l’hygiène la plus élémentaire n’étant pas respectée.

Et puis, comment ne pas oublier cet épisode de la crue de l’oued à Qsantina, emportant voitures, hommes et maisons sur son passage…

En quelques mois, la fin de ce quatrième mandat a commencé à ressembler au crépuscule glauque d’une ère qui ne voudrait pas s’achever et s’accrocherait jusqu’au dernier moment à la branche pourrie de sa prédation et son avidité.

Mais à peine ces épisodes estivaux étaient ils achevés, les voilà qui se sont entredéchirés au point de cadenasser l’Assemblée Populaire Nationale, abrogeant de fait la chose qu’ils appelaient malgré tous les triturages au fil des ans, « la constitution ». Car cadenasser une assemblée pour en interdire l’accès à son président élu dans les règles bien que sur requête du pouvoir, et quand bien même ce président de l’assemblée est un crétin fini et un abruti analphabète, c’est, de fait, anticonstitutionnel.

Le régime s’est décomposé sous nos yeux en quelques mois, révélant ses guerres intestines et surtout cette constante, dans chaque composante des différents clans qui le composent, à exclure le peuple infantilisé de toute discussion et de toute décision.

Cette mafia qui depuis des décennies tire les ficelles préférait encore couler le pays que d’en remettre les clés au peuple.

Le peuple, elle ne l’aime que comme un faire valoir aux discours prononcés lors des commémorations qui légitiment l’exclusivité de son pouvoir. Le peuple réel, elle le méprise.

L’hiver 2018 a donc été l’hiver de la honte. Alors que le pouvoir, coalisé malgré ses guerres intestines, emprisonnait les timides opposants au 5ème mandat, les algériens prenaient la mesure des crises à venir et de la crise déjà là au rythme effréné de la planche à billet de Ahmed Ouyahya.

En fond, les corps avalés par la mer de nos enfants tentant de s’évader de cet enfer nous rappelaient à une honte sourde et ravalée au fond de nous. Une colère que personne ne voulait exprimer tant cette colère contenait de refoulé venu d’une autre guerre, cette sale guerre des années 90, une guerre dont les historiens auront à faire l’étude dans une perspective de temps long quand notre pays se sera libéré de la caste prédatrice qui le bride et qui en fut et responsable et coupable.

La déferlante populaire

La déferlante qui a traversé l’Algérie à partir de février est certainement le plus beau cadeau que ce pays se soit offert à lui-même. En octobre 2018 (lien), rappelez-vous, Nedjma rêvait très fort dans cet article refondateur du site, il la souhaitait, il nous en espérait le courage dans ce qui restera pour ce site le plus beau geste d’amour qu’il lui soit jamais venu pour notre pays et pour notre peuple. Que vous le relisiez aujourd’hui et vous verrez que tout y était, à commencer par la beauté profonde, la générosité profonde de cette jeunesse qui depuis février fait notre fierté avec toujours au fond cette idée que je ne cesserai de marteler. Il y aura des hauts, il y aura des bas, mais ça ira.

Aujourd’hui, nous sommes dans un de ces bas. Rappelez-vous, en janvier, quand nous nous croyions tous au fond de tout, comment nous sommes parvenus à faire tout ce que nous sommes parvenus à faire.

D’ailleurs j’avais écrit ce texte en avril (lien), où je voyais poindre la situation où nous sommes. Une situation bien ordinaire en politique et dans l’histoire également. Ils ne lâcheront pas facilement.

Le face à face avec Ahmed Gaïd Salah était inéluctable pour la simple raison que la démocratie est le pouvoir du peuple, et qu’il représente le pouvoir tel qu’il s’est mis en place depuis le coup d’état de l’armée des frontières en 1962. C’est aussi simple que cela, et ce face à face est la réalité de la situation. La guéguerre entre Gaïd Salah et Nezzar ne nous concerne pas, elle n’est qu’un des sempiternelles jeux du pouvoir, un peu comme quand dans les années 90 les mêmes clowns criminels réglaient leurs comptes sur notre dos à coup d’islamistes et d’éradicateurs quand en réalité dans le peuple cette division était irréelle et ne traduisait pas l’aspiration profonde à un simple retour à la paix.

Nous n’avons pas d’autre choix que de nous affirmer en peuple souverain et nous devons être suffisamment forts pour réduire Gaïd Salah à la simple fonction qui est la sienne. Un militaire en charge de la défense des frontières.

Nous devrions en réalité écrire des chansons avec ses discours politiques illégitimes, nous devrions nous moquer de lui, le ridiculiser, car ses prises de parole n’ont aucune légitimité et ne valent pas plus que des chansons d’ivrognes qu’on peut entendre sortir des gargotes dans des quartiers malfamés. Ahmed Gaïd Salah n’a aucune légitimité pour parler de politique.

Il aurait pu faciliter la transition en ne se mêlant pas de politique mais visiblement il a choisit une autre route. Grand bien lui en fasse, de toute façon, quand nous aurons le pouvoir, il sera jugé avec tous les autres, ceux qu’il a fait arrêter et que pour ma part je ne plaindrai pas, la plupart se sont bien baffrés, ainsi que tous les membres de son clan et ses salopards de fils qui, malgré des affaires parfois glauques, continuent à prospérer à l’ombre de leur protecteur.

La différence est que, bien sûr, il aura droit à un avocat et que nous veillerons à lui éviter le lynchage médiatique dont il abreuve ses ennemis par chaîne de télévision offshore interposée.

Pas une seconde nous ne devons douter de notre victoire. Pas une seconde nous ne devons douter qu’au sein même de l’armée des hommes nombreux aimeraient redresser la tête avec le peuple et être fiers de leur pays, non pas d’une fierté de pacotille faite de mots qui habillent la corruption, mais fiers de ce que ce pays accomplit et du courage de son peuple, fiers d’une ambition collective. Fiers de l’espoir de voir enfin ce pays prospérer et non pas fiers de copier la Malaisie ou le Qatar avec les uns, les Émirats avec Gaïd Salah ou la France avec Toufik, mais fiers de le voir créer sa voie originale en s’appuyant sur le génie et la diversité des peuples qui le composent dans un fantastique retour au sources. L’appel du 1er novembre.

Une fois le mouvement démarré, le peuple a assuré son rôle. Fièrement, courageusement, il continue ses marches les vendredis, et les étudiants en donnent eux-même le rythme politique, mais nous savons très bien que cela trouve et prouve ses propres limites car notre victoire à révéler les réalités de ce régime vérolé jusqu’au trognon nous place désormais en opposition directe avec le cœur du régime.

Laissons aux historiens qui dans 20 ou 30 ans étudieront ces événements le soin de départager si tel ou tel clan a soufflé les braises de ce soulèvement, ou si ce soulèvement est le produit de jeux divers et variés des différents clans qui a abouti à fissurer leur pouvoir. Savoir si tel ou tel clan a favorisé les premières manifestations n’a pas d’importance pour nous car même si une ou des manipulations ont réellement existé, leurs instigateurs n’imaginaient pas qu’elles seraient vite dépassées par le mécontentement profond d’une population qu’ils ignorent et méprisent. Cette question est donc en quelque sorte un faux débat destiné à bavarder sur des broutilles car depuis plusieurs mois, le mouvement populaire a balayé le régime en le révélant à nu tel que lui même. C’est une véritable victoire qu’aucun clan ne pouvait prévoir.

Les fausses pistes: panels, collectifs et feuilles de route

Et voilà que sortent de l’ombre les losers, les ringards, les opposants de la dernière heure et les spécialistes en transition certifiés par eux même et revendiquant le droit de parler au nom des supporters de footballs issus des quartiers populaires parvenus à faire en quelques semaines ce qu’ils n’avaient jamais espéré voir de toute leur vie.

L’Algérie ne fait pas exception car les révolutions sont toujours une occasion rêvée pour les losers et les politicards sur le retour. Alors les revoilà. Anciens ministres reconvertis, militants usés par des années d’opposition et à cours d’imagination, tous tentent de « représenter » le peuple, avec beaucoup d’honnêteté pour certains, avec pas mal d’arrières pensées pour d’autres mais tous conformément aux habitudes du régime qu’ils prétendent combattre. À huis clos, derrière les portes des salles où ils se réunissent.

Et puis surtout avec cette très étrange méthode héritée du temps du parti unique: la recherche d’un consensus destiné à masquer les oppositions parfois féroces qui s’y expriment.

Le résultat, ces groupes d’associations qui finalement ne représentent qu’elles même se révèlent incapables d’afficher une réelle opposition. Mieux, ou plutôt pire, en s’obstinant à produire des « feuilles de route » et des « conférences », elles ont permis au régime de téléguider ses propres pions et sa propre « feuille de route » ainsi que son propre « panel » au point que nous sommes aujourd’hui dans une cacophonie d’ « initiatives destinées à sortir de la crise » quand ce n’est pas telle ou telle mesure du pouvoir qui se trouve saluée par une association, au grand dam de l’unanimité de l’opposition proclamée dans ces textes laborieusement négociés en cachette.

Je suis obligé de m’exprimer ici à titre personnel afin de n’associer personne.

Colère sourde

J’ai durant trois mois évité de commenter les différentes initiatives pour leur laisser le temps de produire leurs effets, alors je l’écris aujourd’hui avec une colère que j’ai réfrénée durant plusieurs mois tant en ce qui concerne leur mode de fonctionnement qu’en ce qui concerne leurs résultats. Des textes insipides.

Les feuilles de route, la « sortie de crise » sont des leurres qui permettent à Bensallah et Gaïd Salah de se répartir les rôles du gentil et du méchant, elles permettent à Bensallah de gouverner comme le président qu’il n’est pas et à Gaïd Salah de rappeler qu’il peut devenir le père Fouettard. Elle avalisent le caractère constitutionnel de la situation quand en réalité l’Algérie n’a de fait plus de constitution. Et ce n’est certainement pas une présidentielle qui viendra réparer cela, au contraire. Les feuilles de route sont des scories du vieux monde auxquelles des militants effrayés par la situation dans laquelle nous sommes s’accrochent, et souvent avec beaucoup de sincérité, ce qui est le comble du pathétique dans lequel nous sommes. Elles sont aussi un moyen d’éviter les questions qu’une transition ne manqueront pas de voir surgir.

Je me suis aussi empêché de commenter car je ne vis pas en Algérie. Je suis né en France, j’y ai grandi, et je vis aujourd’hui au Japon. J’ai toujours refusé de m’arroger le droit de parler au nom des algériens, de ceux qui y militent. Et j’avoue que ma critique de ces initiatives ne m’est pas facile car j’ai beaucoup de respect aussi pour un grand nombre de celles et ceux qui y travaillent. Mais on peut avoir du respect pour la sincérité des gens sans être d’accord avec eux.

Si on les avait écoutés, Bouteflika serait aujourd’hui encore président de la république.

Il n’y a pas de sujet qui fâchent: déballons tout

La jeunesse a cassé ses appréhensions, ses peurs. Mieux, malgré les arrestations dont elle est la première victime, malgré la répression qui la frappe en priorité, elle continue, fière, droite. Pourquoi ne devrait on voir ces jeunes que comme des boucliers et les laisser de côté? C’est à eux de prendre les rênes du mouvement. Dehors, les vieux!

Le peuple algérien, et en son sein la jeunesse, a prouvé une incroyable maturité politique qui va bien au delà des calculs de ces « initiatives » mollassonnes. Il est mûr pour apprendre à ne pas être d’accord sans se taper sur la figure. Chaque semaine, les algériens apprennent dans les marches à côtoyer l’autre, à réoccuper l’espace.

Parmi les appréhension idiotes mais non dénuées d’arrière pensées par ses promoteurs, il y a celle qu’il ne faut pas aborder les questions qui fâchent. Alors soyons claires, je l’affirme ici avec force, et avec colère aussi, mais avec la ferme conviction d’avoir raison: c’est une erreur, c’est préparer la fosse de la timide démocratie balbutiante que nous sommes en train de faire naître.

C’est maintenant que nous devons sortir les débats qui fâchent, car ouvrir ces questions après, c’est se condamner à voir surgir la contre-révolution aux premières difficultés. Le peuple d’ailleurs le fait lui-même chaque semaine un peu plus, il se réapproprie les symboles, l’histoire. Revoir surgir Ben Badis ou Messali, avec tous les débats qui vont avec, c’est voir aujourd’hui ces hommes retrouver leur place au delà de la critique nécessaire de leurs actions. Les femmes, elles, continuent de s’organiser.

Nous devons aborder toutes les questions que nous voulons. Ce que nous devons apprendre, c’est à le faire avec respect, sans haine, car il s’agit de construire un pays qui sera le pays de nous tous. Ces discussions doivent être ouvertes et, ce faisant, nous devons apprendre enfin à aborder les questions qui traversent la société avec respect, avec amitié. Les questions économiques aussi, car il y aura des choix très difficiles à faire. La discorde et la haine ont été produites par ce régime, nous devons apprendre à les extirper pendant notre mouvement car ce faisant nous allons apprendre à nous respecter et à tous nous reconnaître comme algériens.

Passer un pacte entre nous

Et c’est uniquement cela que nous devons demander aux différentes initiatives: quelque soit le résultat des premières élections démocratiques qui viendront, nous devons nous engager à en respecter l’issue, nous n’appellerons pas tel ou tel clan à la rescousse, et c’est justement pour passer ce pacte que nous devons apprendre à reconnaître la légitimité de toutes nos opinions.

C’est l’opposé de la démarche choisie par les différentes « initiatives » puisqu’elles sous entendent toutes que le peuple est incapable d’aborder les questions politiques majeures qui le concernent. En repoussant ces discussions à plus tard, elle prépare le terreau de blocages politiques et institutionnels qui fourniront autant d’arguments au système pour revenir. On l’a vécu après 1992, la Tunisie l’expérimente en ce moment.

La démocratie n’est pas « un truc qu’on remet à plus tard ». La démocratie, ça commence maintenant, ce n’est pas un objectif lointain, c’est un exercice quotidien, c’est une pratique et un processus. C’est un apprentissage.

Loin de la servir, les « initiatives » freinent la dynamique populaire en la plaçant sur le terrain piégé par le pouvoir et des politiciens sur le retour, qu’elles ne rompent en rien avec l’infantilisation de la population et qu’en ce sens elles appartiennent à une époque révolue. Elles entretiennent l’idée que tout doit venir d’en haut alors que c’est du cœur de la société que doivent surgir les initiatives. Leur temps est passé. Ce dont le peuple a besoin si elles sont sincères, c’est de leur expérience et de leur soutien. Pas de leurs conciliabules secrets en encore moins de leurs textes insipides.

La démocratie, c’est un processus initié par le peuple

Nous avons besoin pour le moment de mots d’ordres simples pour rappeler Ahmed Gaïd Salah que ses ordres ne viennent pas de Abu Dhabi ou Washington mais du cœur de l’Algérie. Des mots d’ordre simples,

  • libération de tous les jeunes enfermés depuis le début du mouvement d’opposition au cinquième mandat.
  • publication de toutes les charges retenues contre toutes les personnalités détenues et publication des preuves des allégations. Le peuple a le droit de savoir.
  • rupture des liens politiques entre l’ENTV et le pouvoir.
  • interdiction pour les forces de l’ordre de barrer l’accès à la capitale ni d’entraver la liberté de circulation sur le territoire.
  • liberté des journalistes, des militants politiques et des associations.

Ces quelques points sont non négociables et peuvent être réalisés dans le cadre même de l’actuelle « constitution » qui prétend garantir ces droits.

Voilà pour la situation politique.

Le courage de prendre la transition en main

Pour le reste, oui, il faudra aboutir à une instance de pilotage de la transition composée de 3 personnes aux profils différents. Dans mon article d’avril, je n’avais pas donné de nom car on m’avait suggéré de ne pas le faire. Et je le regrette. J’en donne un cette fois-ci, celui-là même que je voulais suggérer alors. Personnellement, et à titre individuel, je proposerai Mouloud Hamrouche. Son rôle durant la période 1988-1991 et son attitude par la suite en font un homme probe, ouvert, un homme de parole et d’honneur. Je ne suggère qu’un homme. À chacun d’entre nous de se saisir de ce débat.

Je pense que l’instance doit en compter trois, un nombre parfait car on peut alors avoir trois profils différents – ils doivent être différents -, et trois permet d’obtenir des décisions de façon simple. Leur rôle devra-t-être celui du président de la république dans le cadre d’un processus constitutionnel de transition. Je vous renvoie à mon article d’avril sur l’architecture de transition que je suggérais. Son rôle est extrêmement limité: protéger le mouvement populaire en lui donnant la durée en comblant le vide institutionnel dans lequel nous sommes, veiller au bon déroulement de la transition et piloter les travaux de la constituante. Les décrets relatifs à l’organisation d’une assemblée constituante ont valeur constitutionnelle: ils ont été pris par le gouvernement algérien et publiés au journal officiel de la république algérienne en juillet 1962 avant le coup d’état. L’instance de pilotage est donc en ce sens une simple restauration de la légalité civile écartée par la force par l’armée des frontières.

Je sais très bien que dès que l’on donne un nom, des voix s’élèvent. C’est un courage que nous devons pourtant très vite prendre. Il impose d’être exigeant dans notre choix. Je n’ai aucun intérêt à suggérer Mouloud Hamrouche, il a d’ailleurs plusieurs fois exclu de prendre quelque fonction que ce soit. Cela ne lui donne que plus de valeur à mes yeux.

Un projet, une vision pour l’Algérie

Cette question tranchée, il reste la question de la nouvelle république ainsi que celle d’une politique pour l’Algérie, ses contours. C’est sur ces questions que doit naître le véritable débat démocratique et que nos spécialistes en transitions veulent à tout pris éviter que nous parlions.

Quel pays veut-on? De ces débats naîtront de nouveaux partis politiques issus de nous et du cœur de la société.

Il ne s’agit pas d’être d’accord, mais d’apprendre à ne pas l’être

Il s’agit de discuter et de produire notre propre conversation, écrire, discuter. On s’en fout, de la guéguerre interne au système. Qu’ils dégagent tous!

C’est notre pays, et la démocratie, c’est nous. Nedjma publiera tout texte qui contribuera au débat politique au sens d’un projet de société.

Pour esquisser un projet politique pour l’Algérie, pour le faire de façon honnête, il faut poser des préliminaires.

Ces préliminaires ne vont pas être agréables à lire car il faut d’abord parler des défis auxquels l’Algérie va faire face. Certains d’entre eux ne sont pas de son ressort, ils sont d’ordre mondial et le temps perdu par les enflures qui ont gouverné et pillé ce pays ne reviendra pas, les opportunités non plus. L’Algérie part en situation de handicap, mais avec les quelques chances qui lui restent et sur lesquelles elle peut encore s’appuyer peuvent devenir de véritables outils de transformation rapide. Cela veut dire que nous de devons pas louper cette fenêtre de tir. C’est du destin des gamin d’aujourd’hui qu’il s’agit.

Ici et là à émergé l’idée d’une Algérie de 100 millions d’habitants comme d’un horizon fantastique. Je l’écris clairement. Les types qui écrivent ce genre de truc ne se rendent même pas compte qu’on n’est plus dans les années 50, ils sont dépassés, ils ne connaissent rien des débats du monde ni des contraintes à venir et dont voici une liste non exhaustive seule à même de fournir les clefs d’un réel projet politique.

Les défis et les dangers devant nous

D’abord, l’Algérie est aujourd’hui dors et déjà en état de stress hydrique. Le stress hydrique, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas assez d’eau, cela veut dire qu’il y en a juste suffisamment mais qu’un incident climatique ou une pollution peuvent affecter les ressources en eau de façon dramatique.

Toutefois, l’Algérie possède d’immenses réserves d’eau dans son sous-sol. Cette eau, non comestible, doit donc être protégée par tous les moyens afin de permettre la production agricole. Nous devons de toute urgence nous détourner de l’agriculture extensive polluante et favoriser l’innovation en nous basant sur les savoirs faire de l’agriculture traditionnelle, économe en ressource et favorisant la qualité des sols. Nous devons encourager le travail de la terre, le valoriser. Nous devons donc aussi refuser les hydrocarbures et gaz non conventionnels. Rappelons nous: avant l’arrivée des français, l’agriculture était luxuriante.

Ensuite, l’Algérie a dépassé son pic de production d’hydrocarbures. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de pétrole, cela veut dire que le pétrole qui reste va nécessiter des investissements de plus en plus chers. Parallèlement, encouragés par un gouvernement sans vision, les algériens se sont habitués à la voiture. En tendance, l’Algérie ne pourra plus dans un avenir proche exporter suffisamment de pétrole pour importer ce dont elle a besoin car une grande partie de ce pétrole sera utilisé par les automobilistes ou l’électricité.

La population est jeune, elle continue de croître. L’augmentation de la population au moment où les ressources se raréfient, l’absence d’une réelle économie et des emplois qui y sont liés ainsi que des habitudes de consommations importées de l’occident et rendues possibles grâce au saupoudrage de miettes de la rente pétrolière dans un pays non développé comme l’Algérie constituent un énorme handicap qui pourraient encourager une partie de la prétendue élite ainsi que des pans non négligeables de la pseudo classe moyenne à envisager un tournant totalitaire afin de préserver leur mode de consommation dans un pays où la pauvreté se généraliserait. C’est le scénario égyptien, c’est le scénario brésilien.

De son côté, le réchauffement climatique va constituer un défi encore plus important dans un pays d’ors et déjà touché par un climat aride dans une grande partie de son territoire. On doit dors et déjà envisager encore plus d’épisodes de très fortes pluies suivies d’inondations emportant tout sur leur chemin, d’incendies de forêts dévastateurs et de périodes où l’eau sera plus rare.

Enfin, la situation géographique. Les ressources encore disponibles, notamment les ressources minières et non conventionnelles ainsi que la taille du territoire nous placent dans une position extrêmement vulnérable. Les tentatives de déstabilisation, les mouvements de population consécutifs au réchauffement climatiques, la proximité de foyers épidémiques dans les zones de conflits environnants, le déclin en cours dans les pays européens avec les risques d’évolutions populistes et totalitaires concomitants constituent la trame géopolitique des décennies à venir et sans la prise en compte desquelles il est impossible de définir un horizon ainsi qu’une politique solide.

Le projet qui suit ne se base donc pas sur le placage d’un modèle ayant marché ailleurs. Il repose sur la conviction profonde que le peuple algérien peut démontrer dans les années qui viennent une grandeur et une ambition collective qui pourront tourner les nombreux handicaps et défis qui sont devant lui en autant de possibilités et d’opportunités. Mieux encore, il repose sur l’idée que des savoirs faire ancestraux et heureusement documentés peuvent fournir des pistes qui nous permettront de franchir le défi majeur du changement climatique en inventant un nouveau modèle de civilisation et d’économie dans un monde qui ne tardera pas à être bouleversé par l’effondrement de ses principaux cadres civilisationnels.

Il y aura forcément une part de ce que d’aucun ne manqueront pas de voir comme des sacrifices et de politique d’austérité.

Mais ce que ces âmes trempées du mode de pensée d’une économie agonisante au nord et nourris de modèles de consommation dors et déjà obsolètes dont nous n’avons en plus pas les moyens appelleront « sacrifice » et « austérité » signent la marque d’un courage politique majeur.

Une telle politique ne manquera pas de provoquer un temps une récession économique, phase durant laquelle les algériens auront l’occasion de retrouver et recréer des solidarités perdues, d’en inventer de nouvelles. Cette phase sera également la phase de mise en place du socle institutionnel ainsi que du lancement des bases d’une économie moderne qui ne manqueront pas dans un deuxième temps d’entraîner une forte croissance économique basée sur les principes d’une économie sobre et de l’éducation. Ce sera le temps d’une reconquête du territoire, de tout le territoire, par et pour la population elle-même.

Les courage de rompre, le courage de créer l’Algérie

S’il est un principe fort qui définira cette période, c’est celui d’une rupture profonde qui fera dire à celles et ceux qui l’auront vécue, « j’y étais », avec le sens du devoir accompli. Il s’agit de l’esquisse d’un projet politique porteur d’une ambition nationale dépassant le cadre d’une génération, il s’agit d’être fiers de nous, et c’est cette fierté de nous qui nous rendra fiers de notre pays, un pays que nous auront acquis par le sang dans les années 50 contre l’occupation française, et que nous aurons bâti par des choix courageux en le récupérant à partir du 22 février, date qui au passage ne manquera pas de devenir le jour où devra être proclamée la nouvelle constitution.

Ces quelques éléments énoncés, voici quelques éléments pour une Algérie nouvelle et prospère dans sa seconde république démocratique, formulées sur le mode de la fiction désirable mais tenant compte des défis énumérés plus haut

Symboles

L’appellation de « République Algérienne Démocratique et Populaire », inspirée du modèle républicain français centralisé et du modèle soviétique, est supprimée.

La déclaration du Premier Novembre ainsi que de la Plateforme de la Soumam sont cités en introduction à la nouvelle constitution en tant que principes fondamentaux du bloc de constitutionnalité destiné à la Cours Constitutionnelle. L’état algérien se définit donc avant tout comme une émanation du droit et des principes qui inspirent son élaboration, et non comme une structure administrative indépendante du droit hérité du modèle français.

Le nouvel état prend pour nom de Confédération Jazaïrienne (en arabe et en Amazigh). Son drapeau est inchangé.

En ce qui concerne le drapeau Amazigh, il ne peut être discuté par la seule Algérie car ce drapeau représente l’Amazighité du Maghreb dont elle est en quelque sorte l’étandart. Son utilisation par les algériens ne peut en revanche être condamnée ni criminalisée puisque l’Amazighité est constitutive de notre histoire et irrigue notre vocabulaire, notre culture et nombre de nos pratiques.

La Confédération Jazaïrienne est dotée de deux hymnes (aucun texte international ni aucun principe constitutionnel ne réglemente le nombre et les caractéristiques d’un hymne national):

Qassaman est l’hymne de la révolution. Il ouvre les cérémonies du 5 juillet qui est la fête nationale et rappelle le prix payé par le peuple pour recouvrer sa dignité et son indépendance territoriale. Il est utilisé lors des cérémonies militaires. Son texte est enseigné à l’école.

Angham El Djazaïr est l’hymne des grands événements culturels nationaux et internationaux. Il ferme les cérémonies du 5 juillet où il est chanté en entier. Il est étudié à l’école et son refrain y est chanté. Chaque province peut limiter le chant lors de cérémonies à un des couplets de son choix pourvu qu’y soit chanté le refrain, réaffirmant l’union des peuples qui forment la confédération.

Multilinguisme, comme en Suisse

Les documents officiels sont écrits en arabe, en français et en amazigh pour une période de transition de 20 ans. La question du derja ainsi que des différents parlés doit rester ouverte. Une académie indépendante de la langue algérienne est créée. Son travail est de documenter les différents parlés et d’encourager la création littéraire en langue parlée, ainsi que de sa classification, de la production de dictionnaires et les traductions. L’idée est que la question linguistique est secondaire comme le prouve l’exemple helvétique, elle doit donc être sortie de la sphère politique afin que toute la créativité linguistique algérienne puisse s’exprimer.

Toutefois, le rôle du français doit être progressivement encadré, très strictement défini et limité. Dans une Algérie totalement indépendante, le français n’occupe plus la place centrale qu’il continue d’occuper. La suggestion récente de remplacer le français par l’anglais est une autre bêtise liée à la politisation de la question linguistique. À terme, l’Algérie doit retrouver sa souveraineté linguistique à travers l’émergence d’un derja littéraire, d’un amazigh littéraire ainsi que par une production en langue arabe de qualité. Ce mouvement, toutefois, ne doit en rien être forcé. C’est au peuple de le créer, et la structure confédérale veut dire que chaque province peut prioriser la langue de son choix, comme la Suisse ou la Canada.

Une confédération

Le crypto-jacobinisme en place a entretenu l’idée que seul un état centralisé était bon pour l’Algérie et que le fédéralisme l’affaiblirait. Comme si la France était le seul modèle politique au monde

  • La Confédération Helvétique (la Suisse) est le plus vieil état européen, sa constitution démocratique a plus de 800 ans et ses frontières n’ont jamais bougé.
  • Les USA, la première puissance mondiale, est un état fédéral.
  • La Russie est parvenue à résister à l’effondrement de l’Union Soviétique grâce à sa structure fédérale, l’excès de centralisation aurait accru les tentations cessessionistes.
  • La République Fédérale d’Allemagne est le pays le plus riche et le plus stable d’Europe.
  • Les Émirats Arabes Unis, ce véritable « exemple » pour certains dans les couloirs algériens, est une fédération de plusieurs petits émirats.
  • Les Pays-Bas forment un état fédéral de plusieurs centaines d’années.
  • La Fédération Indienne est, malgré l’étendue de son territoire et de nombreux problèmes économiques et sociaux, et malgré sa variété linguistique et culturelle, un état stable et en sécurité.
  • L’Australie est un état fédéral. Le Canada est quand à lui un état fédéral, multilingue et multiculturel.
  • Le Brésil est une fédération. L’Argentine aussi.

La tragédie de l’Algérie qui dans son histoire n’a jamais été constituée en état nation centralisé et uniformisé, est d’avoir été colonisé par une puissance étrangère qui a inculqué à ses élite l’horizon indépassable de son jacobinisme républicain.

Or, la centralisation jacobine nous étouffe, elle est anti-algérienne, elle est le pire cadeau empoisonné de la France, elle nous instille la honte de nous, la honte de nos cultures, de nos langues parlées, de nos traditions, de nos gestes. Elle nous bloque dans un débat qui n’est pas le nôtre (modernité ou islam). Nous devons nous en débarrasser, nous devons briser l’état jacobin pour que naisse enfin l’Algérie telle qu’elle est.

L’état souhaitable est un État Fédéral composé de provinces dont les limites sont fixées en fonction des wilaya actuelles. Les différentes campagnes de dépeuplement successives opérées par la puissance coloniale, puis par l’état proto-jacobin après l’indépendance et enfin par la désertification de zones rurales durant la guerre interne des années 90 rendent obsolète toute approche basée sur les provinces antérieures à la colonisation. Les wilayas actuelles offrent donc une base rationnelle et un compromis acceptable par la population pourvu qu’il s’opère dans un cadre confédéral seul à même de « réparer » le trauma territorial et culturel sans pour autant démembrer le territoire. La Wilaya offre d’ailleurs un excellent cadre de maitrise de la transition.

L’état et les provinces

Les wilayas acquièrent un statut de provinces indépendantes et peuvent elles-mêmes se fédérer pour former des fédérations de plusieurs provinces dans le cadre d’un processus long qui aboutira progressivement à la formation de nouveaux territoires collant aux réalités culturelles. Le « modèle suisse » est le modèle qui doit inspirer cette architecture institutionnelle tout en se pliant aux spécificités algériennes grâce aux institutions démocratiques.

Le confédéralisme permet à chaque province de faire vivre son patrimoine et ses spécificités culturelles à sa façon, ses langues et ses pratiques religieuses avec des pouvoir étendus permettant d’exercer de fait un réel pouvoir démocratique sur la vie sociale, culturelle, linguistique, religieuse et économique. Les provinces ont un pouvoir législatif étendu et il doit être clair que certaines provinces offriront un cadre plus conservateur que d’autres en fonction du choix de ses habitants mais dans le respect du cadre constitutionnel et législatif fédéral.

Un régime présidentiel avec un président aux pouvoir strictement limités

Une telle diversité de provinces, le caractère confédéral et contractuel appellent un pouvoir exécutif qui incarne l’unité de l’état. Le régime est donc un régime présidentiel: le président est élu pour six ans et son mandat n’est pas renouvelable. Il n’a aucun droit de dissolution des chambres qui sont de fait totalement indépendantes et autonomes, il nomme un premier ministre. Il est élu au suffrage universel direct le jour même d’une des élections à la chambre basse (modèle américain)

Un parlement totalement indépendant est composé de deux chambres

Une chambre basse est élue à la proportionnelle avec répartition des restes à la plus forte moyenne avec une limite à 5% sur liste de wilaya et est renouvelée par tiers tous les deux ans. Une chambre haute tirée au sort nationalement parmi les membres des chambres des différentes provinces après chaque élection des chambres provinciales (wilaya).

La chambre basse (assemblée nationale) contrôle le budget, vote les lois, propose des lois et vote les missions de l’armée.

La chambre haute (sénat) assure les auditions publiques (télévisées) et confirme les nominations. Elle a le pouvoir de les rejeter. En cas de rejet d’une nomination, la nomination passe entre les mains de la chambre basse qui peut alors aller dans le sens présidentiel ou proposer une nomination différente. La chambre haute reprend alors les auditions des nouvelles personnalités et donne un avis qui cette fois ne peut être suspensif. L’assemblée vote la nomination à la fin des auditions après écoute de l’avis de la chambre haute.

L’impôt fédéral

L’état fédéral fait la loi commune, discute les traités, organise le commerce et veille à la cohésion. Il prélève un impôt. Cet impôt finance les fonctions régaliennes de l’état telles que définies dans la déclaration de 1954 et par conséquent inscrites dans la constitution sans possibilité d’amendement: la défense, la politique de l’eau, l’état providence (et notamment la santé), l’éducation. Il est également en charge de grands travaux d’équipement de portée nationale, etc

L’impôt est indirect (taxe sur la consommation, sur les produits pétroliers, droits de timbres, etc) et direct (impôt sur le revenu, sur les bénéfices, sur les successions, redevances diverses). L’existence d’un impôt indirect donne droit (modèle anglais) au versement d’un impôt négatif pour les familles les plus modestes.

L’Armée Nationale Populaire est placée sous la responsabilité du pouvoir fédéral

Son commandement est placé sous l’autorité du président, qui propose les principales nominations et oriente la politique de défense. Seul le président est habilité à déclarer la guerre, après la saisine par lui, et non son premier ministre, des deux chambres, un débat puis un vote lui confèrent cette autorité.

Une justice indépendante placée sous la responsabilité d’une Cour Constitutionnelle

La Cour Constitutionnelle est composée de 5 juges candidats tirés au sort âgés de 50 ans minimum, de 5 avocats candidats tirés au sort et âgés de 50 ans minimum et de 5 personnalités candidates tirées au sort et âgées de 50 ans minimum. Le tirage au sort effectué, la chambre haute mène des auditions (publiques et télévisées) et confirme les nomination de juges et des représentants des instances indépendantes. La chambre haute ne peut refuser plus de trois nominations pour un même siège.

Chaque année, la Cour Constitutionnelle publie un rapport sur ses activités et sur l’état de la justice dont elle supervise l’activité. Elle ouvre des questions de droit. Elle nomme les juges fédéraux dans les provinces.

Sur proposition du gouvernement, la chambre basse débat et vote le budget de la justice. Elle peut se saisir du rapport de la Cour Constitutionnelle pour écrire et discuter une loi. La chambre haute peut demander à écouter le président de la Cour afin de formuler une proposition de loi à la chambre basse. Chacune des chambres peut saisir la Cour.
En cas de litige suite à une décision de justice, un simple citoyen peut saisir la Cour. Dans ce but, la Cour nomme un Haut Médiateur de la Cour pour une durée de 3 ans. Le Haut Médiateur se voit attribuer les moyens de son action par le Cour.

Au sein du gouvernement et nommé par le président sur proposition du premier ministre, le Grand Chambellan est en charge de la justice. Il propose un budget au gouvernement, il formule des propositions relatives au fonctionnement de la justice. Budget et propositions sont discutées par les deux chambres avant d’être votées par la chambre basse.
Il peut s’opposer à la nomination d’un juge dans une province ou rapporter des agissements contraires au droit d’un des juges fédéraux. Son avis est motivé puis discuté à la chambre haute qui transmet à la Cour. Celle-ci doit alors émettre un avis favorable ou défavorable. En cas d’avis défavorable à la demande du Chambellan, un vote est déclenché à la chambre basse. La majorité des 3/5ème est requise.

Le but de cette extrême complexité des procédures est d’empêcher toute interférence entre les pouvoirs tout en ayant des procédures de contrôle qui engagent chaque branche.

Des provinces fortes, sources de tout pouvoir

Les provinces sont de fait des états sans en avoir le titre. Elles se dotent (seules ou en fédérations de provinces si elles le souhaitent) d’un texte à valeur constitutionnelle dans leur propre territoire fixant le mode de fonctionnement de leurs institutions. Ce texte n’amende pas la constitution de la Confédération Jazaïrienne: il la complète pour la province concernée.

Chaque province est dotée d’une chambre basse et d’une chambre haute. La chambre basse est composée selon les règles de cette province. La chambre haute consiste en un conseil des Daira composé selon les règles constitutionnelles de la province. Le conseil de la province est élu selon les règles de cette province. Le nombre de ces représentants doit être fixé par la constitution fédérale.

Les provinces prélèvent un impôt dont elles calculent l’assiette. Cet impôt, direct ou indirect, est voté et affecté selon les règles constitutionnelles de la province. Il est recouvré par l’administration fédérale des impôts, seul son produit est directement affecté à la province. Les Daira prélèvent également un impôt, également prélevé par l’administration fédérale avant d’être intégralement reversé.

La santé et l’éducation sont du ressort fédéral

Les provinces sont l’échelon de leur organisation selon les modalités votées et déterminées par la province.

Les provinces décident de la première langue étudiée à l’école. Il peut être intéressant d’apprendre aux enfants à écrire leur propre langue parlée durant une phase de deux ans, pour les amener ensuite à apprendre la langue dans laquelle cette langue se situe. Il est fondamental de préserver les différents parlés. L’arabe moderne ou le Tamazigh moderne viennent compléter l’enseignement de la langue apprise en primaire au bout de deux ans. La politique linguistique est du ressort de la province avec l’impératif de former à une des langues nationales.

L’anglais ou le français sont enseignés au choix des parents, à partir de 12 ans.

Alger est dotée du statut particulier de ville capitale. Elle est une ville-province dotée d’un statut spécial

Les provinces légifèrent sur des questions de société, leur fiscalité, le budget du culte, la politique touristique locale, le patrimoine, l’urbanisme, l’exploitation des ressources. Elles sont primo-propriétaires des ressources naturelles dans leur sous sol. Elles encaissent de fait et par droit constitutionnel inaliénable 30% de leur prix.

Un état civil, une constitution forte

La constitution garantit la liberté de la presse. Un haut conseil des médias est créé. Il est composé de 3 membres nommés par la Cour Constitutionnelle, 3 membres nommés par la chambre basse et trois membres tirés au sort parmi les journalistes professionnels portés candidats et dont la candidature a été examinée puis validée par la cour constitutionnelle. Le conseil est renouvelé par tiers tous les trois ans, sans renouvellement possible.

Le statut de journaliste est étendu à toute forme de presse, quelque soit le média. Le haut conseil peut se porter partie civile pour protéger des journalistes victimes d’une atteinte à leur liberté.

La constitution garantit le droit de grève, le droit d’association, le droit de créer un parti politique, le droit de manifestation, le droit de rassemblement. Les modalités et le cadre légal sont le ressort de chaque province.

La constitution garantit l’égalité juridique et politique entre hommes et femmes. Le code de la famille est abrogé. Les modalités et le cadre légal sont le ressort de chaque province. Le droit de vote et les droits politiques des femmes sont garantis par la constitution et ne peuvent être remis en cause car les femmes ont acquis ces droits durant la guerre d’indépendance nationale.

La peine de mort est abolie. La torture est déclarée anti-constitutionnelle sur l’ensemble du territoire en vertu de l’expérience vécue durant la guerre d’indépendance ainsi que de l’usage de la torture par le régime politique qui s’est mis en place après le coup d’état de l’été 1962.

Une économie démocratique au service du développement

SONATRACH et SONELGAZ sont transformées en régies publiques confédérales. Leur conseil de gestion est composé d’un présidium tiré au sort parmi des membres candidats issus des chambres de chaque province, de trois représentants du gouvernement ainsi que de cinq membres du personnel tirés au sort parmi les travailleurs candidats de l’entreprise. Le président est choisi par les membres eux même, parmi les membres ou à l’extérieur.

AIR ALGÉRIE, TASSILI, Algérie Ferry et la SNTF sont fusionnées pour donner naissance au TASSILI GROUP, composé de Tassili International pour les liaisons internationales, Tassili Express pour le ferroviaire ainsi que les compagnies de bus longue distance, Tassili N’Dzair pour le domestique et le Maghreb, Tassili Freight et Tassili Ferry.
Dès les premières années, Alger et Oran sont reliés par une liaison ferroviaire à très grande vitesse japonaise Shinkansen.

TASSILI GROUP absorbe les structures publiques d’hôtelleries pour donner naissance au groupe public de tourisme The Tassili Tour International offrant une offre variée d’hôtels et d’infrastructures à tous tarifs. Des partenariats peuvent être envisagés avec de grands groupes (Jumeirah, etc) pour le développement d’une offre grand standing.

Le Tassili group est un groupe public regroupant les activités de transport, d’hôtellerie, de restauration, de SPA, de tour opérator sur le modèle de Japan Airlines, de ANA, de Emirates et des autres compagnies du Moyen-Orient et d’Asie. Le modèle de Tassili est, dans le domaine aérien, un modèle « low cost de qualité).
Dans le but de développer le tourisme, les restrictions dites « de réciprocités » sont annulées.

Le conseil de gestion du groupe est composé d’un membre candidat des assemblées de chaque province tiré au sort, de trois représentants du gouvernement, de trois membres de SONATRACH-SONELGAZ ainsi que de trois membres du personnel choisis par les travailleurs de l’entreprise. Le président est choisi par les membres eux même, parmi les membres ou à l’extérieur.

Le caractère public de ces sociétés, la structure fédérative et démocratique du capital sont inscrits dans la constitution pour une durée minimum de 30 ans imprescriptibles.

Rompre avec les hydrocarbures

Cette politique de forts investissements et de renaissance des différentes provinces nécessite d’importants moyens ainsi qu’une chute drastique de la consommation d’hydrocarbures.

Le prix du litre d’essence est fixé par la loi à un équivalent dinars de 1 dollar. Un tiers de ce prix est rétrocédé aux provinces productrices au prorata de leur production.

Dans le but de reconquérir et favoriser la renaissance des provinces ainsi que limiter l’utilisation des hydrocarbures, un deuxième tiers est affecté à des investissements dans la couverture internet très haut débit dans le cadre d’un partenariat international avec plusieurs entreprises leader sur le marché (Ericson, NTT, Huawei, …), le télétravail dans des centres municipaux est encouragé et un plan artisanat est lancé. Ces mesures conjuguées favoriseront l’émergence rapide d’une économie décentralisée, économe et égalitaire car repartie à l’ensemble du territoire tout en réduisant fortement l’usage des transports en commun.

Enfin, un dernier tiers sert à financer le budget de l’état

La politique économique ne consiste pas à privatiser, au contraire, mais à moderniser les entreprises publiques tout en facilitant l’investissement d’entreprises internationales sur la base de cahier des charges restrictifs en matière de respect de l’environnement, de droit des travailleurs dans l’entreprise, de durée de travail et de formation professionnelle. La contrepartie est la fin de la règle du 51/49. Le gouvernement se réserve de rétrocéder l’autorisation d’investir en cas de manquement au cahier des charges à l’aide d’une procédure judiciaire.

Reconquérir le territoire

L’Algérie adopte une politique résolument tournée vers l’ouverture tout en adoptant dès le départ un très haut niveau d’exigence en matière sociale et environnementale.

Un des principes de la politique économique est avant tout la satisfaction du marché intérieur dans le cadre d’une nouvelle politique de développement basée sur la mise en valeur des ressources au niveau local dans le cadre confédéral. Ainsi, le repeuplement des zones rurales équipées d’infrastructures (eau, électricité, internet très haut débit, transports, marchés, artisanat) est encouragée.

L’état met fin à la politique de sédentarisation des populations non sédentaires dans le sud et des partenariats sont encouragés pour mettre en valeur le patrimoine, les ressources et les savoirs faire des populations ainsi que leurs capacités à contribuer au développement du pays et la mise en valeur de ses ressources.

Cette politique tournée vers l’investissement et la reconquête du territoire nécessite une réorientation des ressources. D’une nation asservie et infantilisée, abêtie par la consommation de pacotilles importées à bas coût de Chine ou d’ailleurs, nous retrouvons les traditions anciennes du travail économe et du commerce. L’agriculture saharienne, la construction traditionnelle, l’urbanisme traditionnel, tous adaptés au climat ainsi qu’à la sociabilité algérienne seront étudiés, promus et encouragés. C’est un défi et une aventure fascinante pour la jeune génération d’architectes, d’urbanistes et d’agronomes.

L’électricité cesse d’être subventionnée dans le but franc et assumé de réduire la consommation. L’alimentation cesse d’être subventionnée. Ces décisions sont pondérées par la mise en place d’une allocation de revenu universel versée à tous les algériens de façon dégressive en fonction des revenus ainsi que du nombre d’enfants. Cette mesure scellera le pacte constitutionnel en évitant le FMI ainsi que l’intrusion de puissances étrangères dans les affaires de l’Algérie, principal héritage des années Bouteflika.

Une réelle république démocratique doit démarrer dans une vérité sur la situation. Il n’y aura pas de prospérité sans mise à niveau au départ. Les réformes radicales sont la marque d’une génération courageuse qui a dans le cœur la certitude de vivre un moment crucial de l’histoire de son pays et d’accomplir des choix qui lui voudront dans le futur cette fierté de pouvoir dire « on l’a fait ».

Préparer l’Algérie aux chocs à venir

Les mesures économiques, à commencer par le prix des carburants et la fin des subventions sont à l’opposé du populisme et de la débilité politique qui gagnent les anciennes puissances développées aujourd’hui déclinantes. Elles sont indissociables du nouveau cadre institutionnel qu’elles scellent avec force. Ces mesures, encadrées par des institutions fortes et démocratiques garantissent que l’effort ne sera pas vain puisque l’essentiel des leviers économiques resteront la propriété des algériens qui en tireront progressivement des revenus.

Grâce aux revenu universel, à la gratuité réaffirmée de la médecine et de l’éducation ainsi qu’aux investissement importants rendus possibles par le nouveau prix de l’essence la fin des subventions, les familles les plus pauvres verront leur situation s’améliorer nettement.
Il est clair en revanche que le segment moyen aura à ajuster son mode de vie: ces mesures s’adressent à l’intelligence de la classe moyenne qui, si des mesures courageuses ne sont pas prises afin de garantir un fort développement économique dans les années à venir, sera la première à être frappée par les ajustements structurels du FMI ainsi que les privatisations qui priveront l’état de revenus substantiels qu’une gestion intelligente, notamment dans l’énergie et le tourisme, nous permettront. La Grèce offre un exemple d’ajustement structurel subi dramatiquement pour la classe moyenne.

La démocratisation, outil du développement

La possibilité de créer des activités économiques, de déménager dans une autre province et les investissements massifs fournissent les bases d’un projet excitant résolument ouvert vers l’avenir qui sont la contrepartie de l’effort transitoire que l’état lui demandera de consentir tout en scellant le pacte constitutionnel.

Ce qui doit animer la population, c’est la fierté non pas de copier tel ou tel modèle de développement, mais celle d’en créer un, le nôtre, adapté à notre réalité, ce qui correspond au rêve des combattants de l’indépendance pour qui la libération n’avait de sens que pour retrouver une totale maîtrise de notre destin.

Ces bouleversements interviendront alors que le pays aura à faire face au problème du stress hydrique, à la fin de la civilisation des hydrocarbures, à des crises migratoires majeures, à la déstabilisation et la dégénérescence des anciennes puissances économiques désormais engagées dans leur déclin, au réchauffement climatique, à la raréfaction des ressources.

En adoptant un modèle économe en utilisation des ressources, notamment par le renchérissement de l’essence, en favorisant le développement local grâce à des institutions totalement décentralisées, en profitant au mieux des dernières ressources qu’il nous reste pour franchir un saut quantitatif et qualitatif, en nous tournant vers le continent africain en misant sur le développement autonome du sud, nous serons en mesure d’ouvrir une page inédite dans notre histoire tout en explorant les voies nouvelles de développement qui dépasseront le cadre stérile capitalisme-socialisme-islamisme hérité d’un monde qui disparaît sous nos yeux.

Créer le nouveau modèle qui place la morale au cœur

Créer, donc, une société où les principes moraux (et donc l’islam) inspireront la morale et les comportements privés, où le cadre résolument cosmopolite et confédéral des institutions remplacera le carcan de l’état nation jacobin qui brise notre société depuis 1832, où le modèle de développement ne sera pas à l’extérieur mais en nous, dans une expérimentation au plus près de chaque citoyen, où les défis du 21ème siècles seront non pas des défis insurmontables mais des opportunités pour retrouver en nous les gestes anciens, économes et solidaires.

Ceci est une contribution en attendant les vôtres 

Il s’agit d’un texte politique inscrit dans le temps que nous traversons et destiné à donner un cap, une ambition pour les clinquantes prochaines années, ce qui est la seule et vraie question posée par la crise politique, économique, sociale que traverse notre pays.
Il est traversé par l’amour, par toute l’ambition pour ce pays et pour notre peuple. Pas d’enjolivement ni de belles promesses futiles, mais un diagnostic fait le plus honnêtement possible.

Vous pouvez être pour ou contre, et même soyez pour ou soyez contre, l’heure est venu de débattre ainsi, de dessiner notre ambition collective pour les cinquante prochaines années. Sans illusions, sans romantisme, à partir de ce qui est et non ce que nous voudrions qu’il y ait, sans se voiler la face. Mais avec force, imagination, culture et, répétons-le encore une fois: avec une ambition à la hauteur des celles et ceux qui au travers de notre histoire ont donné leur vie pour notre liberté.

Tahya Eldjazair

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